Le parcours de Georges Duveau est atypique puisqu’il a été tour à tour écrivain, critique, journaliste, professeur de l’enseignement secondaire, chercheur et, sur le tard, universitaire. Il est aussi l’incarnation d’une pluridisciplinarité étendue et assumée et d’une interdisciplinarité qui s’ignore. Né en janvier 1903 en Corrèze, il est philosophe et juriste de formation, mais se passionne pour le monde des lettres au point de créer à dix-huit ans à peine, en 1921, une revue mensuelle d’avant-garde intitulée L’OEuf dur qui réunit de jeunes plumes talentueuses dont certaines ont déjà atteint la célébrité alors que d’autres la connaîtront plus tard : Jean Cocteau, Raymond Radiguet, Max Jacob, Martin du Gard, André Spire, Marcel Arland, Louis Aragon, Blaise Cendras, Henry de Montherlant, Paul Morand, Drieu La Rochelle. La revue cesse de paraître en 1924. Duveau se rend lui-même célèbre en publiant un roman, Le Testament romantique en 1927. Il devient aussi pigiste à Paris-Soir. Ses études terminées, il s’éloigne de Paris pour prendre un poste de professeur de lycée à Cahors où il reste quatre ans de 1927 à 1931. Il publie sur place une petite revue intitulée Le Mât de Cocagne, mais commence surtout à préparer une édition critique des œuvres de Proudhon. C’est elle qui le ramène à Paris. Célestin Bouglé le prend dans l’équipe de jeunes sociologues (Chevalier, Friedmann, Mougin,…) qu’il réunit au Centre de Documentation Sociale de l’École normale supérieure, financé par la Fondation Rockefeller, dans le but d’étudier la psychologie et les niveaux de vie des groupes sociaux dans une optique néospiritualiste, en rupture avec le durkheimisme et l’empirisme rationnaliste. Au sein de l’équipe, Georges Duveau se lie d’amitié avec Édouard Dolléans, plus âgé, qui va travailler sur des sujets voisins des siens et avec lequel il va publier de très nombreux travaux jusqu’à la mort de celui-ci en 1954. Parallèlement, il œuvre, à partir de 1932, avec Emmanuel Mounier, Georges Izard et André Déléage à l’élaboration d’une pensée politique non conformiste et empreinte de christianisme social qui donne naissance au groupe Esprit puis à la revue du même nom. Avec Izard et Déléage, mais aussi Jules Roman et Louis-Émile Galey, il publie en 1938, La Bataille de France. Entré au CNRS à sa fondation, il y prépare ses thèses pour le doctorat de sociologie consacrées à la Pensée ouvrière sur l’éducation pendant la Seconde République et le Second Empire d’une part et à la Vie ouvrière sous le Second Empire, d’autre part, qu’il soutient avec succès en 1944. En 1948, il est nommé secrétaire général de L’Année sociologique. Il reçoit la même année une charge d’enseignement de morale et de sociologie à la Faculté des lettres de Strasbourg où il devient successivement maître de conférences à quarante-sept ans, en 1950, puis professeur sans chaire à cinquante ans, en 1953 et enfin professeur en chaire l’année suivante. Il y devient le quatrième professeur de sociologie après les prestigieux Simmel, Halbwachs et Gurvitch. Parallèlement, il enseigne l’histoire des doctrines économiques à l’Institut d’études politiques de Strasbourg et la sociologie politique au Centre universitaire des hautes études européennes. Ces années sont celles d’une intense production à caractère principalement historique et son Histoire du peuple français de 1848 à nos jours reçoit le prix d’histoire de la Tribune de Paris. Sa carrière universitaire est brutalement arrêtée par la mort, en 1958. Il a alors cinquante-cinq ans seulement.
Georges DUVEAU
Rédacteur prinicpal :
Éric Anceau
Champ disciplinaire :
Histoire