L’Anecdote du jour ou Histoire de ma détention dans la prison de ***

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Item: Firmin ou le Jouet de la fortune dcterms:relation This Item

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Rosny, Joseph (1771-1814), “L’Anecdote du jour ou Histoire de ma détention dans la prison de ***,” Publications du Centre Jacques-Seebacher, consulté le 11 novembre 2024, http://seebacher.lac.univ-paris-diderot.fr/bibliotheque/items/show/53.

Formats de sortie

  • Informations
  • Titre :
    L’Anecdote du jour ou Histoire de ma détention dans la prison de ***

  • Auteur :
    Rosny, Joseph (1771-1814)

  • Contributeur(s) :
    Producteur (numérisation) : bibliothèque municipale du Havre Armand-Salacrou

    Établissement hôte de l'ouvrage numérisé : Université Paris Diderot

    Éditeur de l'ouvrage numérisé : Olivier Ritz

  • Date :
    1798 (publication papier), 2019 (publication numérique)

  • Description :

    Résumé

    Récit à la première personne d’une affaire judiciaire à Paris dans le contexte du Directoire : le narrateur est accusé d’avoir séduit une femme et d’avoir frappé le mari de celle-ci. Il s’en défend en donnant sa version des faits et en racontant ses procès puis son emprisonnement.

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    Notice

    Joseph Rosny (1771-1814) est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages, la plupart publiés sous le Directoire et le Consulat (1795-1804). Si la variété générique de sa production permet de le qualifier de polygraphe, plusieurs traits saillants caractérisent son œuvre. À partir de 1802, il écrit de plus en plus d’ouvrages d’érudition, à Autun d’abord, puis quelques années plus tard à Valenciennes. Avant cette date, à Paris, il fait la peinture des mœurs de son temps en mobilisant les procédés littéraires à la mode, que ce soit en écrivant des romans, des pièces de théâtre, des essais ou des recueils d’observations. Jouant volontiers de brouillages entre la fiction et la réalité, il s’inspire de sa propre vie et des lieux qu’il fréquente. Il mêle également le sérieux et le sarcasme. Sur le terrain politique, il prend soin de dénoncer autant la Terreur que les royalistes, comme le veulent alors les autorités. En matière de mœurs, il met les ridicules en évidence, n’hésitant pas à pratiquer l’autodérision, notamment lorsqu’il s’intéresse au monde des lettres et de la librairie. Dans les années 1795-1802, la carrière littéraire de Joseph Rosny est complémentaire de sa carrière administrative : il cherche le succès pour renforcer ses positions à l’intérieur de l’administration ou solliciter des protections nouvelles, pratiquant et défendant une écriture de service, comme l’a montré l’historien Jean-Luc Chappey. Cependant, Joseph Rosny n’a jamais occupé longtemps la même charge et ses ouvrages suggèrent qu’il a aussi cherché à vivre de son écriture dans des moments où ses autres sources de revenus étaient insuffisantes.

    L’Anecdote du jour est annoncée par le Journal typographique du 12 brumaire an VII (2 novembre 1798). Trois mois plus tôt, Joseph Rosny a publié Firmin ou le Jouet de la fortune, un roman racontant les aventures d’un jeune homme qui traverse la Révolution. Les variations autobiographiques de Firmin compliquent le récit développé dans Joseph et Caroline (1796-1797). De la même manière, alors que la Révolution était présentée de manière univoque – réduite à la « Terreur » – dans Les Infortunes de la Galetierre pendant le régime décemviral (1796), elle prend des aspects variés et parfois contradictoires dans le roman de 1798. Les dernières pages de Firmin comportent une liste des « Ouvrages du même auteur » où apparaît L’Anecdote du jour ou Histoire de ma détention à la prison de ***. La deuxième partie du titre peut induire en erreur : le précédent des Infortunes de la Galetierre et les récits d’emprisonnement que l’on trouve dans Firmin font penser à un texte politique. De la part d’un auteur en quête de reconnaissance comme Joseph Rosny, on s’attend à lire le récit d’un emprisonnement qui en ferait une victime exemplaire de la tyrannie – que ce soit celle de la « Terreur » ou de celle de l’Ancien Régime – dans une vogue littéraire remontant aux Lumières et renouvelée par la littérature thermidorienne, notamment avec les Mémoires d’un détenu d’Honoré Riouffe (1795). Or il n’en est rien. La détention racontée dans ce texte est bien une anecdote : un petit fait en marge des événements importants, qui intéresse d’abord pour son pittoresque et son piquant. Elle est d’ailleurs retardée dans un récit qui insiste plutôt sur les causes de l’emprisonnement et sur les tentatives pour y échapper que sur le court séjour en prison lui-même.

    Le narrateur du récit principal de l’Anecdote du jour est accusé d’avoir « possédé une jolie femme, et d’avoir battu le mari » (p. 5-6). Il détaille les conditions de sa rencontre avec cette femme, se défend d’avoir eu autre chose que de l’amitié pour elle et se présente comme la victime de la jalousie injustifiée d’un mari violent. Il fait le récit d’un premier procès puis d’un second, en appel. Le petit volume qu’il tire de cette aventure garde une fonction judiciaire : à défaut d’échapper à sa peine (dix jours d’emprisonnement et cent livres d’amende), l’accusé gagne l’opinion à sa cause. Ce bénéfice symbolique s’ajoute au bénéfice financier qu’il espère tirer de la vente de sa brochure, si l’on en croit l’avertissement plaisant qui précède le récit. L’auteur prétend en effet avoir suivi les conseils suivants :

    Quant à l’amende, il faut qu’elle soit payée par le public qui a assisté à ton jugement. Ton affaire est plaisante, singulière, elle porte un caractère d’originalité qui peut intéresser les deux sexes. Couche-la par écrit, mets-y un titre bien piquant, fais colporter la brochure au palais Égalité, dans tous les carrefours, places et rues de la capitale, que partout on entende des voix aigües et glapissantes crier à tue-tête : Voilà la petite Anecdote du jour, ou la grande Histoire de ma détention. On voudra savoir ce que c’est. Les curieux s’empresseront de l’acheter, bien des femmes y reconnaîtront une partie de leur histoire, beaucoup d’hommes y trouveront la leur toute entière, les jeunes gens y puiseront des leçons de sagesse, de retenue, de discrétion même ; et du produit de cette bizarre production tu payeras ton amende (p. 9-10).

    La page de titre de L’Anecdote du jour ne comporte pas de nom d’auteur. Mais plusieurs éléments du récit permettent de reconnaître Joseph Rosny : le narrateur évoque à plusieurs reprises son épouse « Caroline », il utilise la forme « P… r » pour effacer partiellement le nom de famille de celle-ci. L’épouse de Joseph Rosny s’appelait effectivement Caroline Perrier et elle était évoquée de la même manière dans Joseph et Caroline. Le narrateur dit aussi qu’il a été employé dans les bureaux de l’ex-ministre de la police Cochon, dans le seul passage du récit explicitement politique et historique. Cette information est utilisée contre lui par son adversaire au moment du procès. Accusé de royalisme, l’ancien ministre est l’une des nombreuses personnalités politiques emprisonnées après le coup d’État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797, un peu plus d’un an avant la publication de L’Anecdote). L’adversaire du narrateur remarque que celui-ci a perdu son poste à cette occasion, suggérant à ses juges qu’il était lui aussi coupable de sympathies royalistes : « J’ai appris depuis qu’il avait poussé la noirceur jusqu’à se transporter lui-même chez les juges, et qu’il m’avait peint à leurs yeux comme un royaliste et un chouan, ennemi du gouvernement et de la république » (p. 33). C’est à l’occasion de cette accusation, fondée sur un élément connu de la vie de Joseph Rosny, que celui-ci fait dire à son narrateur : « Je fus toujours l’ami de mon pays, le partisan du gouvernement républicain et l’adversaire déclaré des lâches émigrés. Tels sont et tels furent toujours mes principes » (Ibid.).

    Le récit de sa mésaventure donne l’occasion à Rosny de faire une légère satire des institutions judiciaires et pénitentiaires. Le narrateur se donne le beau rôle et, à défaut de convaincre vraiment de son innocence, il met les rieurs de son côté. Rosny peut également séduire par les qualités d’observateur dont il fait une nouvelle fois la démonstration ici. Mais c’est surtout par sa structure que ce texte est remarquable : le récit principal est en effet redoublé par un récit secondaire, qui occupe une trentaine de pages, c’est-à-dire un peu moins d’un quart de l’ensemble. Au tribunal, le narrateur rencontre un « ancien camarade de collège », coupable d’assassinat, au sens que l’on donnait alors à ce terme : il a attaqué un rival au moyen d’une canne-épée et lui a blessé le bras. Le récit secondaire est une variante du récit principal : « Si vous fûtes victime de l’amitié, vous voyez en moi celle de l’amour ; c’est lui seul qui cause les larmes que vous me voyez répandre. Écoutez mon histoire, et pleurez avec moi » (p. 80). Dans les deux récits, un homme en attaque un autre, par jalousie. Mais alors que les passions sont absentes du récit principal, sinon peut-être la jalousie ridicule du mari qui se croit trompé, elles jouent le premier rôle dans le récit secondaire : le narrateur raconte son amour pour une belle veuve, d’abord heureux et passionné, puis sa jalousie terrible lorsque celle-ci le délaisse pour son meilleur ami, qu’il agresse. Tout est beaucoup plus romanesque dans ce deuxième récit, du nom de la femme aimée (« Sophie de Montclave ») jusqu’au ton employé et à la chute pathétique : malgré le pardon de l’ami qu’il a blessé et les soins du narrateur du récit principal, le héros malheureux meurt de chagrin dans sa prison. En dédoublant le récit principal par un récit au caractère fictionnel plus marqué, Rosny complique le cas judiciaire qu’il présente. Son double romanesque, plus coupable parce que plus passionné, suggère que les passions aussi sont dignes de l’intérêt et de la bienveillance du public. Touchés par sa sincérité et sa souffrance, ceux qui assistent au procès du second narrateur voudraient pouvoir le soustraire à la rigueur des lois. Peut-être Rosny avait-il plus qu’une « simple amitié » (p. 124) à se faire pardonner. Sans doute mettait-il en œuvre un dispositif littéraire particulièrement adapté aux questions politiques : pour revenir sur les passions de la Révolution et s’en défendre, il était préférable de passer par les détours multiples de la fiction.

    Le Journal typographique annonce que L’Anecdote du jour est publiée par le libraire Pigoreau, éditeur de Firmin et de plusieurs autres ouvrages de Rosny. L’exemplaire numérisé porte simplement la mention « Chez les marchands de nouveautés » qui était utilisée lorsque le libraire voulait cacher son nom. Cet ouvrage est particulièrement rare aujourd’hui. La seule bibliothèque qui en possède un exemplaire en France est la bibliothèque municipale du Havre. C’est en travaillant à une édition critique du roman Firmin ou le Jouet de la fortune que nous avons découvert son existence. Nous avons souhaité lire ce texte, puis le faire connaître. Que les bibliothécaires du Havre, qui ont numérisé le texte pour nous et qui nous permettent de le mettre en ligne, reçoivent l’expression de notre reconnaissance.

    (Notice rédigée par Olivier Ritz)

  • Editeur :
    Chez les Marchands de nouveautés

  • Collection :
    Texte

  • Format :
    Fichier PDF, numérisation d’un ouvrage de 128 pages

  • Identifiant :
    9782744202032 (ISBN)

    10.25665/upd-bibnum-seebacher0005/2019 (DOI)

  • Source :
    Le Havre, Bibliothèque municipale, cote CH 1638

    Lien vers la notice du catalogue de la bibliothèque municipale du Havre Armand-Salacrou : http://catalogue.lireauhavre.fr/medias/detailstatic.aspx?INSTANCE=EXPLOITATION&RSC_BASE=ALEPH&RSC_DOCID=000399999

  • Mots-clés :
    Joseph Rosny (1771-1814) , France – 1795-1799 (Directoire), Littérature, Autobiographie, Roman, Jalousie, Procès

  • Droits :
    Domaine public

  • Langue :
    français

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